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La Révolution Financière du Rwanda : Les Réalités Cachées du Rapport Finscope d’AFR

Le 20 juin 2024, Access to Finance Rwanda (AFR) a lancé son cinquième rapport Finscope, dévoilant des statistiques impressionnantes qui présentent le Rwanda comme un modèle d’inclusion financière en Afrique. Mais derrière ces chiffres prometteurs et ces titres optimistes, les défis structurels auxquels fait face le Rwanda sont-ils ignorés ? Avec un taux d’inclusion financière atteignant 96 % et une révolution numérique qui semble transformer l’économie, il est facile de se laisser emporter par le récit du succès. Mais posons-nous les vraies questions : cette croissance du Rwanda est-elle durable ? Et surtout, qui est laissé pour compte ?

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Une Illusion d’Inclusion Financière ?

Le chiffre phare, 96 % d’inclusion financière, est tout simplement impressionnant. Entre 2020 et 2024, l’inclusion financière formelle est passée de 77 % à 92 %, grâce à l’adoption du mobile money et d’autres services financiers numériques. Le mobile money, en particulier, est passé d’une utilisation de 30 % en 2020 à 73 % en 2024. Sur le papier, l’écosystème financier du Rwanda semble être un modèle en devenir. Mais soyons honnêtes : ces chiffres ne racontent pas toute l’histoire.

L’inclusion financière n’est pas synonyme d’émancipation financière. Être considéré comme « inclus financièrement » parce que l’on possède un compte mobile money ne signifie pas nécessairement avoir accès à des services financiers significatifs. La réalité est que pour de nombreux Rwandais, notamment en zones rurales, ces comptes restent inactifs ou, au mieux, sont utilisés pour des transactions basiques, loin de favoriser une véritable autonomie financière. Où sont les économies ? Les investissements ? Les produits de crédit qui peuvent changer des vies ?

Le Fossé Numérique : Le Gouffre Grandissant du Rwanda

À première vue, le bond numérique du Rwanda semble irrésistible, 86 % des adultes utilisent le mobile money en 2024, grâce à des plateformes telles que MTN Mobile Money (MoMo) et Airtel Money. Mais tandis que les services financiers numériques explosent dans les centres urbains comme Kigali, la situation est bien différente dans les zones rurales. Un accès limité à Internet et des infrastructures numériques coûteuses font que les populations les plus vulnérables, celles que l’inclusion financière vise à servir, restent piégées dans une impasse financière.

Le gouvernement a investi des millions dans l’expansion de la connectivité Internet, mais le fossé numérique persiste. Les populations rurales, qui représentent la majorité de la population, font face à des obstacles insurmontables, manque de smartphones abordables, faible niveau d’alphabétisation, et électricité peu fiable. À quoi bon une application bancaire mobile si vous ne pouvez même pas recharger votre téléphone ?

L’Alphabétisation Financière : La Crise Silencieuse

L’alphabétisation financière est le talon d’Achille du Rwanda. Le rapport Finscope se vante de la hausse de l’inclusion financière, mais combien de ces 96 % comprennent réellement les produits qu’ils utilisent ? Combien de Rwandais peuvent naviguer dans les complexités du crédit, de l’assurance, ou de l’épargne au-delà des transactions mobiles basiques ?

La réalité est brutale : l’inclusion financière sans alphabétisation financière est une façade. Un outil dans les mains de personnes non préparées peut devenir une arme d’exploitation. Le crédit peut rapidement mener à l’endettement, les produits d’assurance deviennent inaccessibles, et les initiatives d’épargne échouent avant même de démarrer. Le gouvernement rwandais et ses partenaires financiers doivent aller au-delà des indicateurs de vanité et investir massivement dans l’éducation de la population, en particulier dans les zones rurales, sur l’utilisation responsable et efficace des produits financiers.

Le Dilemme ‘Ejo Heza’ : Un Système de Retraite pour une Minorité ?

Ejo Heza‘, le programme de retraite phare du Rwanda, a été salué comme une initiative révolutionnaire. Son objectif d’étendre la couverture des retraites à tous, y compris ceux du secteur informel, est incontestablement noble. Le programme a progressé de 7 % de couverture en 2020 à 26 % en 2024. Mais un problème majeur persiste : les individus à faible revenu, les principales cibles de cette initiative, ont souvent du mal à contribuer régulièrement. Vivre au jour le jour, de chèque en chèque, ne permet pas de penser à l’épargne à long terme.

Oui, le gouvernement apporte des contributions complémentaires pour les épargnants à faible revenu. Mais est-ce suffisant ? Sans s’attaquer aux inégalités économiques plus larges qui empêchent les Rwandais les plus pauvres de participer pleinement aux systèmes financiers, ‘Ejo Heza‘ risque de devenir un autre projet bien intentionné qui manque sa cible. Le système de retraite du Rwanda nécessite des interventions structurelles plus audacieuses pour réussir à aider les personnes qui en ont le plus besoin.

Comparaison Régionale : Le Rwanda Face aux Géants de l’Afrique

Les chiffres d’inclusion financière du Rwanda surpassent ceux du Kenya et de l’Afrique du Sud, deux puissances africaines en matière de finance numérique. Alors que le Kenya reste célèbre pour sa révolution du mobile money et que l’Afrique du Sud dispose d’un secteur bancaire bien développé, aucun des deux pays n’a atteint les 96 % d’inclusion du Rwanda. Mais voici la vérité qui dérange : les chiffres impressionnants du Rwanda cachent plus qu’ils ne révèlent.

Le Nigeria, par exemple, a un taux d’inclusion financière de 64 %, mais fait des progrès pour créer des systèmes financiers robustes avec un fort accent sur l’alphabétisation financière et des structures de crédit innovantes. Pendant ce temps, l’adoption rapide du numérique au Rwanda ressemble souvent à une croissance pour la croissance. Contrairement à la machine bien huilée du mobile money au Kenya, l’adoption au Rwanda a explosé sans l’infrastructure financière de soutien nécessaire pour transformer l’accès numérique en mobilité économique à long terme.

La Vraie Bataille : Émancipation Financière ou Piège Financier ?

Si le Rwanda ne s’attaque pas de front à son paradoxe de l’inclusion financière, il risque de créer une génération piégée financièrement. Une génération capable de réaliser des transactions basiques mais dépourvue des outils nécessaires pour accumuler de la richesse. Une génération avec des portefeuilles mobiles, mais sans épargne. Et pire encore, une génération attirée dans une fausse sécurité financière, tout en restant vulnérable aux mêmes chocs que l’inclusion numérique devait prévenir.

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Soyons clairs : la croissance du Rwanda est réelle, mais les dangers le sont aussi. La prochaine décennie déterminera si le Rwanda peut passer de l’inclusion financière à une véritable émancipation financière. Mais l’horloge tourne. Les dirigeants rwandais doivent affronter les vérités dérangeantes que le rapport Finscope ne fait qu’effleurer. Sinon, l’histoire à succès de l’inclusion financière que nous célébrons aujourd’hui pourrait bien devenir l’avertissement de demain.